La soirée ne faisait que commencer, le saloon près de l'hôpital du gouffre est était très actif comme à son habitude à cette heure. Les conversations allaient bon trains, des membres de l'armée confédérées riaient grassement en faisant rebondir des filles de joie sur leurs genoux. Ici et là on pouvait entendre les cris de rage d'un joueur de poker qui venait de se faire plumer et les cris de joie de son adversaire. L'ambiance était donc excellente, ce qui était logique puisque les sudistes n'allaient que de victoire en victoire depuis des mois. Même la perte d'un fortin, capturé par une infiltration nordiste n'avait pas réussi à faire descendre la bonne humeur. "De toute façon on va le reprendre avec une main dans le dos", était la phrase consacrée lorsque quelqu'un mentionnait cet échec sudiste. Les soldats confédérés semblaient aussi avoir oublié très rapidement qu'à peine quelques jours auparavant c'était des soldats de l'Union qui profitaient des commodités de ce saloon.
C'est donc au moment d'un éclat de rire encore plus fort que les autres que Chuck passa les portes battantes du saloon. Il détestait les saloons et encore plus cette ambiance fêtarde qu'il trouvait puérile. Cependant, il adorait l'effet qu'il faisait lorsqu'il rentrait quelque part, ce silence qui se faisait soudainement, Chuck en appréciait chaque seconde. En même temps, c'était toujours impressionnant de voir cet homme de plus de 2m avec ses quatre scalps encore dégouttants de sang attachés à sa ceinture. La rumeur voulait qu'il rajoutât du sang lui-même sur ses scalps pour rajouter à cet effet.
Devant la foule qui s'était soudainement calmée, Chuck fit un petit sourire et dit en français :
Messieurs, La Liberté, ce n'est pas de pouvoir ce que l'on veut, mais de vouloir ce que l'on peut.
Puis il rajouta en latin :
Asinus asinum fricat
Dans le premier cas, il connaissait bien la langue, mais ne comprenait pas vraiment ce qu'il venait de dire et dans le deuxième cas il n'avait vraiment aucune idée de ce que ça voulait dire. Cependant, dans les deux cas, il adorait voir le regard confus de ses interlocuteurs.
Il fit durer le silence durant quelques secondes puis se mit à rire de façon incontrôlé tout en se dirigeant vers le barman derrière son bar. Arrivé devant l'homme qui ne semblait pas trop savoir où se placer, il se calma en s'essuyant les yeux. Puis dit au barman en anglais :
C'est le sergent Jones qui m'envoie, il parait qu'on a laissé une bonne bouteille pour le CAC42 pour fêter leur défense héroïque de l'hôpital.
Bien que Chuck ne croyait pas cela possible, le barman devient encore plus livide.
- C'est vous Laport?
- Laporte Prononça-t-il en français
Les mains du barman se mirent soudainement à trembler.
- He oui... pardonnez-moi... bien entendu j'ai la bouteille pour le sergent. Dans sa boîte d'origine en plus. Attendez-moi quelques secondes.
Le barman se dirigea vers une petite porte derrière le bar et disparu.
Chuck se tourna vers la salle qui, passé le choc de son entrée, avait repris vie. Il les regarda avec un dégoût certain, ces hommes tellement sûre d'eux, persuadés que tout allait être facile, que tout allait bien allé. Eux, ils n'avaient pas d'ancêtres proches qui avaient vécu la tyrannie britannique. L'Acadien lui savait qu'il fallait toujours se tenir sur ses gardes, qu'un jour ou l'autre il pouvait tout perdre et encore tout recommencer. Qu'au moment où on baissait sa garde tout pouvait chavirer. Les dernières rumeurs de négociations entre Davis et un certain général de la Caroline du Sud qui se seraient fait promettre les terres de la Louisiane en étaient encore une autre preuve.
Chuck entendit soudainement un petit toussotement derrière lui, le barman était de retour avec une boîte en bois scellé.
- Un 55, excellente année! Lui dit l'homme qui était maintenant en sueur.
À l'énoncé de la date, il eut un petit sourire, Jones avait toujours aimé les symboles. Il tendit alors les mains et pris la boîte des mains tremblantes du barman.
- Merci! Auri sacra fanis!
À ces mots, qui ne voulaient strictement rien dire, il quitta la saloon en gardant la boîte sous son bras.
Quelques heures plus tard, il rentra dans le camp de la CAC42 et il se rendit directement dans sa tente. Il déposa la boîte sur une table et sortit son couteau pour décacheter la boîte. Il en sortit alors une bouteille où il était écrit Canadian whisky. Il regarda l'étiquette quelques secondes, juste le temps qu'une lueur de colère, ou bien était-ce de la tristesse, apparût dans ses yeux en lisant le mot "canadian". Puis il fracassa la bouteille sur sa table. La bouteille était vide, à l'exception d'un petit morceau de papier où on trouvait le message suivant :
"L" a accepté, il vous promet l'Acadie.
Chuck lut le message une bonne dizaine de fois pour être certain qu'il ne rêvait pas, puis sorti calmement de sa tente. Il se dirigea vers la tente du commandement et rentra. Là, penchés sur une carte, il trouva Burt, Henri et Warlorde, il ne leur laissa pas le temps de le saluer qu'il dit avec beaucoup plus d'émotions qu'il aurait voulu :
Il a accepté! Ce putain de Kentuckien a accepté!
Dernière édition par Chuck Laporte le Jeu 16 Avr - 3:55, édité 1 fois