Boom, quand le Fortin Traitable fait Boom...

Alors qu’il observait tranquillement la BullRun a demi cachée dans le boisé, Henri, et il faut l’avouer, toute la troupe, fût sorti de sa torpeur par une immense explosion provenant de sa droite, du Fortin Traitable.

Oh les caves !

Tous les regards se dirigeaient vers l’immense volute de fumée noire qui commençait à apparaître au dessus des arbres. Une estafette se rapprocha en courant. Visiblement, il avait dû faire très, trop, vite puisqu’il failli trébucher contre les jambes d’Orignal, le cheval de l’Acadien, et qu’il respirait à s’en décoller les poumons.

- Sergent... Jones !… Sergent... Jones !… on vous demande... à l’EM…
- Oh les caves !
- Il parait que vous étiez chancelier… ils ont besoin de vous…
- Oh les caves !

Henri n’écoutait plus le messager. Ils avaient besoin de lui. Ça ressemblait à une blague. Et en même temps… il saisit alors une expression au milieu du flux de paroles à la diction asthmatique…

- Répètes ce que tu viens de dire ?
- Ils souhaitent que vous rentriez en contact avec la Chancellerie rebelle…
- Non, avant ça…
- Ils ont une idée de décoration et voudraient que vous la créeriez.
- Mais il m’ont pris pour James Longacre ?
- Plait-il Sergent ?
- Non… rien… contes moi exactement ce qu’il s’est passé à Traitable.

Une fois le résumé de l’opération terminé, et notamment de la technique de fuite inédite utilisée par une partie des sécessionnistes, il griffonna rapidement une esquisse et la remis au jeune soldat.

Apportes leur ça. Si ça leur plait, je m’occupe du reste.

Et ça leur plu. Il fallu plusieurs jours pour parachever le projet : créer le moule, le faire valider, produire les vingt-trois exemplaires. Mais enfin, tout était prêt. Henri en avait même profité pour faire rédiger un courrier, modifié par quelque rond-de-cuir de Washington, pour Salamander, son ancien mentor à la Chancellerie. Il ajouta quelques notes manuscrites et contempla son travail.

HRP : à ne lire que si vous ne voulez pas attendre la suite... :

Assez fier de lui, compte tenu du temps imparti, il scella le colis. Il rappela le courrier et lui remis l’objet et parlant doucement.

- Ce courrier est pour la Chancellerie du Sud. Tu remettras à un certain Salamander. Tu ne peux pas le rater. Il est souvent à côté d’un charriot de ravitaillement marqué « Génépi » tenu par un vieil ecclésiastique taciturne. Surtout ne t’approche pas de lui, le Padre, il peut mordre !
- Reçu.

Une fois le jeune homme parti visiblement inquiet, Henri retourna à la contemplation végétale qu'il avait mise de côté ces derniers temps.

Voyons... y bouge d'aubin pas... Mais où est donc passé la Bull Run ?



HRP : désolé pour la compression de l'image qui fait des trucs moches

C'est un cavalier sudiste porteur d'un grand drapeau blanc qui se présenta aux abords de feu le fortin Traitable. Il avait pris un drap en guise de drapeau car il n'avait qu'une confiance limitée envers les Yankees. Il voulait que son drapeau se voie bien de très loin.
A son grand soulagement, on ne lui tira pas dessus et on le laissa expliquer la raison de sa venue.
Il sortit une enveloppe sur laquelle était imprimé le logo de la Chancellerie de l'Armée de la Confédération. Puis, il sortit de sa sacoche une énorme boite.

Ayez l'obligeance de remettre cette boite accompagnée de cette enveloppe à votre Chancellerie. C'est très délicat et très important.

Devant le scepticisme de la sentinelle, il fut fait appel à un officier qui prit les choses en main en demandant l'ouverture de la boite et de la lettre afin qu'il fût sûr que ce n'était pas une bombe.
Le cavalier sudiste s'exécuta tout en protestant pour la forme et présenta la lettre.



L'officier yankee prit le temps de lire la lettre. Beaucoup de temps. Mais vraiment beaucoup. C'est à se demander s'il savait lire !
Puis, après de longues dizaines de minutes, il demanda à voir ce que contenait la boite. Le Sudiste l'ouvrit et lui fit admirer la magnifique plaque commémorative.



L'officier yankee admira l'oeuvre avec un regard vide. Visiblement, il n'en comprenait pas la signification. Il eut alors une réaction élégante en s'abstenant de tout commentaire. Il prit la lettre et la boite qu'il referma et donna congé au Sudiste. Ce dernier revint au grand galop en se disant que plus jamais il ne ferait ce genre de mission.

Trois jours et Henri n’avait reçu aucune réponse de Salamander. Le rustre. A croire que les victoires sur des installations inoccupées le faisaient sombrer dans la facilité et la dilettante… Ou que le rapprochement récent avec Washington avait rendu l’Acadien persona non grata. Il se promit de creuser cette hypothèse au moment où il aperçu un mouvement dans les arbres. Une sentinelle commença à crier à l’attention de tous…

AAAaAAalLlllEeEee… AaaAHHHH non ! Fausse alerte, ils reculent encore !

Henri rangea son sabre si prestement dégainé... Cette bataille n’en finissait plus, et quelle drôle de technique que celle des soldats de l’hiver. Etait-ce un piège dans lequel il fallait se précipiter ? Encore une hypothèse à creuser.

Courrier !

C’était le gamin de la fois dernière, qui avançait avec une pile de lettres pour les soldats de l’Union. Mais il était visiblement tendu.

- Petit, par ici !
- SsSSSs… Sergent ?! Je… je n’ai.. rien pour vous…
- D’accord… mais pour la mission, comment ça s’est passé ?
- Euh… oui… la mission… alors… j’ai réussi à atteindre la Génépy. Et… le Padre… il a… je souhaiterai ne pas en parler… s’il vous plait monsieur… il m’a… enfin… c’était horrible ! S’il vous plait, ne m’envoyez plus là bas… plus jamais… je ne pourrais plus…
- Calmes toi. Je veux juste un compte-rendu. Tu n’auras plus à y aller.
- Je me suis approché du chariot… J’avais un drapeau blanc... Et… je lui ai juste demandé qui était monsieur Salamander… et il a… ne me forcez pas à en parler. S’il vous plait monsieur… C’est trop dur !
- Ok, OK. Et le colis, tu as pu le remettre ?
- Oui. Alerté par le bruit, monsieur Salamander est arrivé et… il m’a sauvé. Je lui ai donné le colis. Il ma dit de partir et je l’ai entendu rire alors que je courrais.
- Très bien. Merci. Attrape ça et va prendre un remontant au fortin, tu l’as mérité.

Henri lança une bourse au courrier, qui ne se fit pas prier pour prendre congé. Ainsi son message était passé. Il aimerait savoir ce qu’en ferait l’EMS. Et il ignorait encore tout de la réponse de la Chancellerie du Sud. Réprimant un sourire, il se focalisa à nouveaux sur la Bull Run. Au loin, les clairons sonnaient. Il était temps de charger un coup pour réveiller ça.

Il croyait en avoir fini avec ces missions de remise de cadeaux à l'ennemi mais non, il se retrouvait une troisième fois devant le même poste ennemi. Fort heureusement, son grand drap blanc lui avait épargné de se faire plomber.
L'officier sudiste poussa un soupir de résignation lorsqu'il reconnut l'officier nordiste qui venait à sa rencontre. C'était le même officier que la première fois. Et ce n'est pas le regard bovin vide et ahuri du Yankee qui était gage d'une bonne coopération.

- Qui va là ? hurla l'officier de l'Union.
- Je viens juste vous remettre un cadeau pour votre Etat-Major
- C'est louche ! Qui me dit que ce n'est pas une bombe ?
- Ben écoutez la boite pour déceler un tic-tac et secouez-la, mais pas trop fort car c'est fragile, et vous constaterez ainsi que le contenu est inoffensif.
- Tout ce qui vient du Sud est suspect et devrait être éradiqué !
- Certes mais pas pour cette boite car elle est destinée à votre Etat-Major

Le Yankee colla son oreille à la boite pendant plusieurs longues minutes puis la secoua avec vigueur et enfin arracha le papier cadeau.

- Mais non ! Vous ne deviez pas. C'est un cadeau !
- Je dois vérifier et être sûr.
- Après tout, faites ce que vous voulez, j'ai rempli ma mission. Adieu.

L'officier confédéré repartit au galop en laissant le Yankee regarder sans comprendre le pourquoi de la boite.

Une femme perdue au beau milieu de cette gare désaffectée a pu nous fournir les images de l’assaillant