Une nouvelle époque

Durango entra dans le saloon qui avait tout l'air d'être abandonné. Des chaises étaient empilées dans un coin, il entreprit d'en prendre une en plus ou moins bon état qu'il installa devant la moins sale des tables.

Olav, vieille canaille, réveille toi, il me faut une bière !

Comme par magie, Olav apparut de derrière son bar, tout poussiéreux comme s'il revenait d'un autre temps.

Tout en apportant une bière, il commenta. Désolé pour l'accueil, je viens de reprendre ce taudis mais ça va s'améliorer. Faites passer le mot à vos compagnons d'arme, ce sera ici le meilleur endroit de la région pour dépenser sa solde.

L’acadien était en ville pour affaire. Enfin, ses affaires puisque comme toutes les semaines il allait voir au courrier s’il avait des nouvelles de son foyer. C’est alors qu’il aperçu un nouveau bâtiment, ou tout du moins un coup de peinture neuve sur un bâtiment. SALOON. Ce mot lui rappelait un passé lointain, si éloigné des affres du combats. Après tout il avait mérité un peu de repos et Linus devait venir le chercher dans quelques heures. Il entra et ce qu’il entendit le fit sourire.

Vous avez de la bière ici ? Alors J’en prendrais une pour chacune de mes mains !

- Alors zéro bière pour lui, Olav !
Empoté comme il l'est sur un cheval, il ne doit pas avoir de mains pour tenir les rênes, j'en suis sûr.

La réplique cinglante sortie de nul part venait en fait d'un coin de la pièce où un ouvrier terminait de fixer au mur quelque vaisselier en bois massif. A côté de lui, un sudiste tout sourire tenait un plan de montage et avait visiblement interrompu ses conseils d'ingénieur pour interpeller Henri Jones.

- Sers-lui donc un lait-fraise. Et à moi aussi. La recette "spéciale" à la liqueur bien sûr.

S'approchant de Jones, Artemus 'Butterfly' Gordon fit un rapide salut de la tête à Durango puis tendit la main au cavalier du 42ème CAC.
- Comme va, Jones ? Il est loin le temps du camp d'instruction dans les écuries de "chez Minnie", hein ?

Olav venait d'apporter une bière à Durango. Les chaleurs de ces dernières semaines avaient asséché sa gorge, aussi il regardait son verre avec envie. Sa robe dorée et sa mousse blanche parfaitement coupée valait plus que tout en cette période de guerre, enfin un peu de repos songea-t-il.

Durango retira son chapeau marron en cuir qu'il déposa sur un coin de la table. Il l'avait tellement porté que l'on pouvait voir une marque de bronzage sur son front.
Au loin, un sudiste lui avait fait un signe de tête. Durango posa machinalement la main à son revolver mais Olav qui avait vu le geste le reprit.

Pas de ça ici Sergent, vous pouvez vous entretuez où ça vous chante mais je ne veux rien de plus que des mots dans mon saloon !

Durango grommela son mécontentement, mais ce havre de paix était bien trop précieux que pour le perdre stupidement. Il releva donc sa main et rendit un signe au sudiste qu'il n'avait pas immédiatement reconnu. Un gars de la CSC qu'il avait combattu par le passé, ils sont connus pour aimer se cacher en forêt, aussi Durango en déduit-il que l'odeur d'ours qui imprégnait la pièce venait de lui à moins qu'elle ne provienne du gars de la CAC, qui venait de rentrer, et dont il avait entendu les exploits pour être parvenu à dresser des ursidés au combat.

Butterfly s’approcha, la main tendue, de Henry Jones ; ils étaient déjà occupés, Durango en profita donc pour étancher sa soif. Le divin breuvage lui nettoyait la gorge et déjà il se sentait mieux, comme apaisé. La guerre serait longue, mais avec des lieux comme celui-ci, elle serait moins dure pour les hommes.